Rémunération, s’affranchir des tabous !

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Rémunération

Selon la dernière étude Regionsjob, la rémunération arrive en tête des sujets qu’on n’ose pas aborder au travail. 83% des salariés estiment ainsi que « parler salaire » avec leurs collègues est tabou. A tel point que 78% ignorent le salaire de leur manager et 50% celui de leur voisin de bureau. La moitié des sondés préfèrent d’ailleurs ne pas savoir… 

Quand on sait que le salaire reste la motivation qui sort du lit 51% des européens chaque matin (devant l’amour de son métier, la dévotion à son entreprise / à son boss, la conscience professionnelle ou les perspectives d’évolution), on se demande pourquoi on fait tant de mystères autour de ce vaste dénominateur commun

 

 

« Réussir », ce gros mot

« Combien tu gagnes ? », une question simple qui relève, en France, presque de l’indécence, ou de l’incorrection tout du moins.

L’origine de ce tabou ? Nos racines catholiques et notre héritage socioculturel. La culture catholique n’a eu de cesse de diaboliser l’argent et l’Église a ouvertement loué la pauvreté, fait de l’avarice l’un des sept péchés capitaux et fortement désapprouvé l’enrichissement personnel. L’influence du marxisme, qui condamne le profit, a également joué un rôle certain dans la construction de cette « culpabilité du bien ».

Dans les pays anglo-saxons, de culture protestante, le rapport à l’argent est très différent. On en parle librement et on le vit positivement car la richesse et la réussite en affaire sont des signes divins. Dans ce schéma de pensée, « à l’américaine », la relation au succès et au business est donc toute autre : la performance, le chiffre, le mérite et la productivité sont revalorisés.

Le sujet crispe mais obsède, et les Français entretiennent finalement un rapport équivoque à l’argent. En témoignent l’intérêt pour les affaires d’argent (Cahuzac, Bettencourt, Kerviel…) et les enquêtes d’opinion, qui placent le pouvoir d’achat au centre des préoccupations. Chacun semble reconnaître l’utilité et la nécessité de l’argent, mais détester celui des autres… il faudrait pouvoir réussir sans que cela se voie !

La valeur de tes valeurs…

Premier indicateur de réussite, il est aussi, dans notre société, l’étalon de la valeur donnée à l’individu. Ceux qui gagnent peu d’argent ou moins que leur entourage semblent entretenir un rapport conflictuel avec ce dernier : honteux pour certains, qui évitent d’en parler car ils se jugent mal payés, houleux dans des couples où le déséquilibre est flagrant, vindicatif, enfin, pour les minimalistes et les anticapitalistes qui font du fait de gagner un minimum d’argent un véritable cheval de bataille. De la valeur de l’individu… aux valeurs de celui-ci.

La hiérarchie des revenus est, pour certains, perçue comme une injustice. Pour d’autres, elle est acceptable si elle est le pendant de la méritocratie et reste dans un ordre raisonnable. Le cliché du requin capitaliste a la peau dure ! Il contribue à nourrir une animosité à l’égard de ceux qui réussissent et à nous faire oublier que – en principe – le succès ne se vole pas mais est aussi (souvent, surtout) le fruit du travail, de l’effort et du talent.

Le salaire est d’abord un deal transactionnel, « le prix d’un travail fourni » (Larousse), et donc un mode d’échange que l’on veut le plus équilibré possible. Pour autant, « il est difficile de se dégager d’un rôle, d’une compétence et d’un salaire qui donnent un statut, difficile donc de se défaire de ce lien entre ce que nous gagnons et ce que nous valons », souligne Philippe Geffroy, auteur de Soignez vos problèmes d’argent.

Parler d’argent, c’est aussi accepter d’être évalué et de se comparer à d’autres. C’est finalement un acte de confiance qui suppose d’être au clair avec sa valeur, pour ne pas confondre cote du travail accompli et valeur de la personne. La peur de se voir confirmer un écart de talent, de compétence, d’intelligence avec l’autre, la sensation d’être moins légitime et cette inévitable part de subjectivité dans l’appréciation d’un travail rendu continuent d’alimenter ce tabou du revenu et renforcent les inégalités salariales qui l’accompagnent (pour rappel, en France, un homme gagne encore en moyenne un cinquième de plus qu’une femme…).

Transparence, le nouveau mot d’ordre

La société d’ultraconsommation et de loisirs, l’économie de la connaissance, la digitalisation de l’information, la précarisation des nouvelles générations obligent le monde politique et économique et les organisations à parler davantage d’argent. Les 20-30 ans semblent déjà beaucoup plus prompts à parler d’argent que leurs parents et les entreprises sont sommées de lever le voile sur le sujet. Certaines vont jusqu’à proposer à leurs collaborateurs de négocier régulièrement, voire de fixer eux-mêmes le montant de leur salaire.

Récemment sujet d’un timide amendement à la loi PACTE, la transparence des salaires est devenue un enjeu majeur pour les organisations qui souhaitent continuer à séduire dans un marché de l’emploi plus tendu que jamais. L’État français oblige aujourd’hui les grandes entreprises de plus de 1 000 salariés à communiquer la différence entre le salaire de leurs dirigeants et le revenu médian de leurs employés. Sans y être contraintes, certaines petites et moyennes entreprises font également le choix de la transparence totale en publiant leur grille de rémunération.

Les vertus de la transparence sont nombreuses – assainir les pratiques, instaurer un climat de confiance, réduire les écarts salariaux au sein d’une entreprise… La grille de salaires peut être un levier de motivation pour les salariés qui ambitionnent un niveau de revenus supérieur. La transparence sur les salaires permettrait aussi d’éviter les rumeurs et les discussions de couloirs, en apportant une information claire à l’ensemble des équipes. Enfin, elle pourrait permettre à l’entreprise de mieux maîtriser son budget.

A contrario, la divulgation des salaires peut créer un sentiment de gêne et de tensions entre des salariés qui n’accepteront pas forcément les écarts, à responsabilité hiérarchique ou à ancienneté égales. Dans certaines entreprises, de nombreux paramètres influent sur le niveau de rémunération (âge, diplôme, expérience, performance…) et poser tout cela sur la table aux yeux de tous peut susciter des polémiques…

Néanmoins, sur le principe, 70% des Français se déclarent favorables à ce que les entreprises publient les écarts de salaires par niveaux entre leurs salariés. Cette volonté de transparence trouve sa source dans le sentiment, largement partagé (75%), que les écarts de salaires sont aujourd’hui trop importants dans les grandes entreprises (étude Harris Interactive).

Rémunération : savoir de quoi l’on parle !

C’est une question systématique que nous posons en tant que recruteurs : « sur quelle base de rémunération vous situez-vous ? ». Soyons clairs, il ne s’agit pas de curiosité malsaine ou de réduire l’interlocuteur à son seul salaire, mais bien d’éviter d’aller trop loin dans le process et de faire perdre du temps à tout le monde en cas de non alignement.

Parler salaire reste un moment délicat de tout entretien, que ce soit pour une embauche ou une (re)négociation. Dans tous les cas, c’est un sujet qui se prépare ! Connaître votre valeur sur le marché vous permettra d’être pertinent et d’argumenter. Une petite étude de rémunération peut facilement être menée auprès de vos proches/connaissances (s’ils acceptent d’en parler !) ou sur internet. Certaines études sont mises à disposition, mais vous pouvez également comparer des offres d’emploi et détecter les tendances de salaires selon le métier et le niveau d’expérience. Attention toutefois de bien garder à l’esprit qu’à missions équivalentes, le salaire peut énormément varier en fonction de la structure visée (PME, Groupe, Startup, Coopérative…).

Le moment venu, souvenez-vous qu’on parle généralement en salaire brut annuel. Si vous donnez une fourchette, il faut que le salaire bas soit celui que vous voulez et que vous puissiez justifier pourquoi vous demandez plus, sinon, vous perdez en crédibilité. Inutile de se sous-évaluer, on ne se vend pas mieux en baissant ses tarifs et l’on peut aussi perdre un poste en étant « pas assez cher » ! Enfin, on évitera toujours le « combien me proposez-vous ? », « la pire réponse que l’on puisse donner », estime Mariame Soumaoro, du cabinet Hays. Les recruteurs veulent que les candidats aient une idée de combien ils valent.

Au-delà du salaire, il faut également se renseigner sur le package global : les conditions de travail, les RTT, les primes, l’intéressement… Ces éléments peuvent faire toute la différence ! Intéressez-vous le plus finement possible au business de l’entreprise que vous souhaitez rejoindre et veillez à bien valider les objectifs et la période de référence qui vous sont proposés.

Être précis mais ouvert à la négociation ! A moins d’être très convoité sur le marché du travail, ne vous montrez pas intransigeant. Prenez en compte les avantages non-financiers que l’on pourrait aussi vous proposer et qui entrent en compte : une voiture de fonction, une mutuelle, un téléphone portable, des jours de télétravail, une semaine de vacances supplémentaire etc. Il est important de réfléchir sur le long-terme et de voir s’il est préférable d’abaisser légèrement vos prétentions pour un poste qui vous apportera une nouvelle expertise et une expérience non négligeable plutôt que de ne pas transiger et d’obtenir un poste dans lequel vous seriez peut-être moins épanoui…

Humanae vous aide, en tant que candidat, à déterminer le niveau de rémunération qui vous correspond et vous donne les leviers de négociation que vous pouvez activer lors de vos entretiens.
Nous étoffons également notre offre de Conseil RH à destination des entreprises et proposons une étude de votre système de rémunération : auditer ses pratiques, construire une grille de rémunération, repenser sa politique et sa stratégie, communiquer auprès de ses équipes… Autant de clés pour gagner en transparence et en crédibilité !

Sources :
Welcome to the jungle
Cadremploi
Crédit image : Freepik

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