ITW HAE / Vincent HILAIRE : MECAPOLE ENERGIE, entre optimisme et prudence

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Vincent HILAIRE

Interview du 17 juin réalisée par julien ROBILLARD

Vincent Hilaire, vous êtes le Président de la société MECAPOLE ENERGIE, spécialisée dans la fabrication d’ensembles chaudronnés et usinés destinées aux marchés de l’énergie (nucléaire, gaz, pétrole, hydroélectrique et énergies nouvelles).

MECAPOLE ENERGIE compte 120 collaborateurs répartis sur 4 sites  (CA 2019 16 M€) et travaille aux côtés de grands donneurs d’ordre des filières d’excellence de l’industrie française.

Vous avez eu une année 2019 plutôt bonne, quelle est la situation de MECAPOLE ENERGIE aujourd’hui ?

Vincent HILAIRE : Les trois usines ont continué à fonctionner durant la période de confinement, et le personnel a répondu présent. Seules quelques personnes ont souhaité être placées en chômage partiel, et des mesures de télétravail ont été mises en place pour le personnel administratif – bureau d’études et ingénieurs d’affaires. Cela nous a permis de continuer à produire presque normalement.
Le retard de CA prévu à fin juin est davantage lié aux processus des clients, qui n’ont pas pu se déplacer et qui ont freiné l’avancement de nos affaires, plus qu’à une difficulté à produire sur nos sites. On prévoit un décalage des livraisons de 3 mois mais, au niveau de la production, on maintient un bon niveau. Nous avons même un site qui affiche une croissance de 30%. Nous ne rencontrons donc pas de difficultés financières pour le moment, et notre trésorerie supporte les contraintes récentes.

Quels ont été et quels sont les impacts de cette crise sur les équipes ? Quelles mesures avez-vous adoptées ? Est-ce que vous en retirez du positif ?

Vincent HILAIRE : La mise en place du télétravail était un fait totalement nouveau pour nous. On avait eu le temps de se préparer en l’anticipant une semaine avant l’annonce du confinement, et on est très satisfait des résultats. Les 4 sites avaient planché sur un Plan de Continuité d’Activité et nous avons mis les moyens en termes de matériel informatique, de plateforme numérique et d’échanges de documents. On était en ordre de marche en à peine 48h !
Certains de nos collaborateurs se sont révélés durant cette période. Ils ont pris des responsabilités pour encadrer des équipes, ils ont su être proactifs dans la mise en place des mesures de sécurité sanitaire, le tout dans une ambiance d’entraide et de solidarité. L’esprit d’équipe sort renforcé de cette période !
Il y a quand même eu quelques personnes qui ont mal vécu le travail à distance, à cause d’un manque de repères ou un défaut d’organisation. Sur un axe plus « motivationnel », il y a quand même des populations chez qui le confinement a des effets négatifs… Les commerciaux ont souffert de ne plus pouvoir aller au contact des clients, ça leur a mis un vrai coup au moral !
Quant à savoir ce que l’on en gardera sur le long-terme… On a mené une enquête sur le télétravail auprès de tous les salariés concernés, et nous songeons, à la lecture des résultats, à le mettre en place plus régulièrement, à la demande et selon les possibilités réelles. On a aussi décidé de conserver certaines bonnes pratiques, comme la suppression de certains trajets entre les sites pour des réunions de moins de 2h. Le recours à la visio a démontré son efficacité sur certains aspects de nos usages collaboratifs. Ça nous force à réduire la durée de nos réunions et à être plus efficaces. Après, on ne peut pas tout faire à distance !

Comment se porte votre secteur d’activité aujourd’hui ? Comment percevez-vous le marché de l’emploi actuellement ?

Vincent HILAIRE : Les tendances de nos marchés sont globalement bonnes, et conformes aux prévisions établies il y a 1 an. On comprend que le secteur est chahuté mais on ne décèle pas de signaux faibles, ni de grande annonce de baisse d’activité. Les clients sont plutôt rassurants et les projets initiés il y a 1 an ou 2 vont démarrer.
On prévoit quand même des difficultés sur le marché du Gaz, avec un ralentissement prévu sur le 1er semestre 2021, car les clients travaillent pour l’export, notamment vers l’Asie, et le carnet de commandes de ces clients est vide depuis plusieurs mois et pour encore quelques temps, cela génère donc un décalage. On suit assidûment le secteur nucléaire, qui représente 70% de notre CA et qui est l’activité essentielle de nos activités. Je dirais que, globalement, le marché est un peu timide, mais qu’il se maintient à un niveau correct.
J’ai un avis plutôt mitigé sur le marché de l’emploi. Peut-être que les salariés vont revoir leurs projets de mobilité professionnelle, réfléchir davantage avant d’aller voir ailleurs. On a découvert la notion de risque à tous les niveaux, et je pense qu’elle va devenir centrale sur le marché de l’emploi dans les mois à venir. Le rapport au travail a changé et évolué en peu de temps et une véritable réflexion est menée sur l’organisation du travail au sens large du terme.
Nous avons eu deux démissions durant COVID. On est encore en plein dedans, et c’est difficile d’avoir une lecture objective du marché. Il y aura des changements dans les prochains mois. Dans la pratique, certains préavis seront écourtés par les employeurs, des secteurs seront plus touchés que d’autres… A surveiller.

Selon vous, comment votre secteur va-t-il évoluer dans les semaines, les mois ou l’année à venir ?

Vincent HILAIRE : Il faut que nous continuions à saisir les opportunités de business, à être compétitifs et pointus. Mais il faut les bonnes ressources. La compétence, c’est l’enjeu majeur de notre secteur. Je pense que je suis réaliste en disant que le contexte va se tendre, qu’il y aura une crispation de marchés, mais je reste optimiste. Avancer avec prudence et pragmatisme… Les entreprises vont devoir continuer à s’adapter à tous les niveaux.

Quelles seront les principales conséquences de cette pandémie sur votre activité, sur les Hommes, et à quel(s) défi(s) majeur(s) allez-vous faire face dans les mois/années à venir ?

Vincent HILAIRE : Je me suis aperçu que les gens ont fait preuve de beaucoup d’adaptabilité. Ils ont continué de travailler et ils ont très vite pris de nouvelles habitudes pour travailler ensemble tout en intégrant le contexte COVID. Ils ont respecté les protocoles, ont parfois été inventifs pour recréer du lien au sein de l’entreprise… On a aujourd’hui deux populations qui cohabitent plutôt sereinement dans nos murs : ceux qui ont continué à venir travailler au plus fort et au plus contraignant de la crise, et les autres, qui n’ont pas vécu le COVID dans l’entreprise et son restés confinés. Les uns exposés, les autres en sécurité. On aurait pu penser que ça générerait un déséquilibre, mais tout le monde travaille dans le respect du vécu de chacun. On n’aborde plus les petits tracas du quotidien de la même façon.
Tout le monde relativise !
Des liens forts se sont tissés durant cette période au sein des équipes et les comportements sont différents. Le mot « management » a lui aussi pris tout son sens. Il y a eu une prise de conscience autour de l’humain, de l’humain dans l’entreprise. Les directeurs d’usines ont été encore plus proches des équipes et elles ont perçu le changement. Ça a un impact très positif sur le travail, sur la motivation, sur la santé de nos équipes.
Un vrai recentrage sur l’humain que nous allons conserver pour l’avenir.

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