Ghosting : quand les candidats s’évaporent

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Il vous a tapé dans l’œil… Il avait tout pour vous plaire et vous sembliez combler ses attentes. Vous avez discuté avec lui pendant une demie heure, à bâton rompu, et fixé un second rendez-vous. Et depuis… plus de nouvelles. Cela pourrait être la banale histoire de votre dernier rendez-vous galant… Mais c’est en fait le quotidien de plus en plus de recruteurs : le « ghosting », ou cette étrange capacité d’évaporation qu’ont développé certains candidats.

Un phénomène qui prend de l’ampleur

Bien que difficilement quantifiable, le phénomène prend de l’ampleur et se décline sous tout un panel de variantes. Du candidat qui postule mais ne répond à aucune proposition d’entretien, au candidat qui franchit toutes les étapes d’un processus de recrutement et signe son contrat pour ne finalement pas prendre ses fonctions le jour J (on parle alors de « no show»), sans parler de la jeune recrue qui cesse de venir travailler du jour au lendemain, sans explication aucune…

Un mal récent, plutôt lié à la jeune génération qui arrive sur le marché du travail. Des candidats digitalisés, adeptes de la candidature simplifiée (et démultipliée), jeunes cadres régulièrement courtisés qui font jouer la concurrence et testent leur valeur sur le marché… Un « candidat fantôme » est source de bien des frustrations pour le recruteur : perte de temps et d’énergie, sentiment d’avoir mal fait, créneau d’entretien bloqué pour rien… Ce phénomène peut mettre à mal un process de recrutement bien ficelé et, dans le pire des cas, la relation avec le client

« Un chercheur d’emploi sur deux estime tout à fait normal de « ghoster », souligne Servanne Morin, communication et partnership manager du groupe LesJeudis. Avec une génération « digitale native », zapper est un réflexe. » Développeurs, data-scientists ou UX designers seraient quand même plus coutumiers du fait. Avec cinq, voire huit ou même davantage encore de propositions hebdomadaires, ils ont l’embarras du choix ! Cela modifie beaucoup la notion d’engagement. La digitalisation et la désincarnation du process de recrutement y contribuent aussi largement. 

Les jeunes ne sont toutefois pas les seuls à pratiquer ce nouvel art, et le secteur de l’IT n’est pas non plus le seul concerné. D’autres segments sont touchés. « Le sujet est aussi un peu sensible chez les commerciaux, confie Sabine Mota, manager recrutement au sein de Fed Business, cabinet spécialisé. Certes, les fonctions commerciales sont classiquement volatiles, mais le mouvement s’accélère. Cadres ou non, jeunes diplômés ou expérimentés, intérim ou CDI, tous sont concernés. Si je convoque le candidat pour un entretien demain, voire pire en fin de semaine, je risque de le perdre. Le rapport de force s’est inversé.»  Au total, le taux de déperdition des candidats tourne autour des 5 %, voire un peu plus. Jusque 10 %. Impossible d’en chiffrer le coût pour l’entreprise… mais il est réel.  

D’après Pôle Emploi, le développement et la maintenance informatique sont les 2 secteurs qui recrutent le plus, avec des embauches qui ne cessent d’augmenter : d’ici à 2022, on estime à 191 000 le nombre de postes qui seront à pourvoir contre 88310 en 2019. C’est bien plus que dans les autres secteurs d’activité. C’est aussi le cas dans le secteur du bâtiment, qui a bien du mal à attirer de nouvelles recrues, comme l’indique la fédération française du bâtiment. Dans ces secteurs où les candidats sont rares, ces derniers peuvent donc se permettre d’être exigeants… et pas toujours respectueux. 

Ce que ça dit de vous…

Vous avez déjà évité les appels d’un recruteur ? Sciemment oublié de répondre à son mail de relance ? Vous ne méritez pas de périr dans les flammes de l’enfer. Cependant, cela peut dénoter de certains traits de caractère et ne pas être si anodin qu’il n’y parait

S’il peut sembler simple de disparaître dans la nature et de ne pas répondre au téléphone pour éviter une conversation gênante, il convient tout de même de rappeler qu’aujourd’hui, l’anonymat n’existe plus vraiment. Que vous soyez en recherche d’emploi ou en activité, il y a des chances que vous soyez inscrit sur un réseau social. Et si le recruteur que vous avez superbement ignoré vous y interpellait en soulignant votre manque de correction ou votre absence de fiabilité ? Un risque non négligeable qui pourrait nuire à votre réputation.

N’oublions pas qu’une carrière, c’est (de plus en plus !) long, et que le monde est définitivement petit. Évoluant dans des milieux spécialisés, parfois cloisonnés, où la réputation peut jouer un rôle primordial dans votre évolution et dans le développement de votre réseau, vous devez soigner votre image. Vous n’avez pas besoin de travail aujourd’hui ? Vous en aurez peut-être besoin demain, et la recommandation du RRH à son homologue pourrait vous ouvrir bien des portes.

Connais-toi toi-même ! À priori, si vous avez lu l’annonce, décrypté la fiche de poste et fait un minimum de recherches sur l’entreprise avant de vous rendre à l’entretien, vous devriez savoir où vous mettez les pieds et si le poste vous correspond. Bien connaître l’environnement qui vous convient, définir vos attentes et cibler les critères totalement rédhibitoires devrait vous éviter de vous retrouver en situation de ghoster un recruteur, puisque vous ne donnerez de suite qu’à des offres qui vous correspondent vraiment ! Vous changez d’avis au cours du processus de recrutement ? Assumez-le et dites-le ! Cette marque d’honnêteté, de respect et de maturité ne pourra pas vous être reprochée. Et si le dire vous coûte trop, écrivez-le…

Vous orientez vos recherches vers des postes d’encadrement ? Nécessitant de fortes capacités de décision, du leadership ? Votre tendance au ghosting peut révéler une faible capacité décisionnelle, une tendance à fuir les responsabilités, un manque de transparence dans la communication… En bref, tout ce qui touche à l’intelligence émotionnelle et révèle votre capacité à être (ou devenir) un bon manager et à évoluer…

Un juste retour de bâton ?

Quiconque a déjà cherché un emploi s’est probablement retrouvé confronté au silence douloureux d’un recruteur après avoir postulé à une offre ou même passé un entretien. De fait, pour certains candidats fantômes, les recruteurs ne font là que recevoir la monnaie de leur pièce.

En outre, n’est-il pas naturel qu’un candidat qui possède toutes les qualités pour vous soit aussi le candidat idéal de votre concurrent, et qu’il en joue ? Et votre proposition de rémunération est peut-être aussi pour lui l’occasion de rouvrir le dialogue avec son actuel employeur…

Sans tomber dans l’esprit de revanche, il faut bien constater que certains processus de recrutement sont beaucoup trop longs au regard de la réactivité imposée par un marché de l’emploi particulièrement tendu dans certains secteurs.

Alors, comment minimiser les risques ?
Soignez l’expérience candidat !

  • En rédigeant des offres d’emploi précises et cohérentes, apportant des éléments de contexte et précisant, si possible, le lieu du poste et la rémunération.
  • En proposant un processus de recrutement cohérent, transparent et expliqué étape par étape dès les premiers contacts.
  • En essayant de raccourcir autant que possible le processus de recrutement et d’éviter les trop longues périodes de latence entre les entretiens.
  • En s’adaptant aux contraintes du candidat (on le lui fera pas traverser la France 3 fois pour discuter 20 minutes, en plus c’est mauvais pour la planète).
  • En maintenant la communication à chaque étape, pour humaniser le processus et créer le lien.
  • En élaborant un parcours d’intégration qui permette une meilleure prise en compte des nouveaux collaborateurs et qui leur donne envie de rester.

Sources :
Stratégie.fr
Welcome to the jungle
Exclusive RH

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