La force d’un cabinet de recrutement réside aussi dans sa capacité à établir des liens de confiance avec des partenaires de qualité ! Humanae s’appuie ainsi sur un réseau de cabinets de conseil ou d’accompagnement individuel et sur des associations. Antoine VERON évoquait lors de notre dernière interview le réseau de solidarité RESSORT, aujourd’hui nous vous présentons IEVA.
Interview du 29 janvier 2021 réalisée par Julien ROBILLARD
Michel BRUYERE, vous êtes le Président de l’association IEVA (Initiative Emploi Vous Accompagne). Pouvez-vous nous présenter IEVA et nous résumer votre parcours ?
Michel BRUYERE : IEVA est une association lyonnaise créée en 1995 par un groupe de cadres bénévoles. Elle fait partie du Réseau Emploi Cadres (REC) et accompagne les cadres de la région lyonnaise dans leur recherche d’emploi, quels que soient leur âge, leur fonction et leur secteur d’activité. En tant qu’Association indépendante, IEVA vit des recettes provenant des adhérents, soit 460€ par personne pour un accompagnement qui peut durer jusqu’à 1 an.
Nous sommes aujourd’hui 40 animateurs (formateurs et parrains) bénévoles retraités de tous horizons, pour la plupart d’anciens Directeurs opérationnels (DG, Directeur Commercial, Directeur de BU ou d’usine, Directeur juridique…) ou issus des métiers RH.
En ce qui me concerne, je suis entré à IEVA il y a dix ans et je suis président depuis 5 ans. J’ai un parcours d’ingénieur assez « classique », d’abord dans la Chimie/Pétrochimie, chez SPEICHIM, comme Chef de Projet et Directeur de chantier (notamment en URSS !), puis en Ingénierie Nucléaire, chez FRAMATOME, comme Directeur de la division Services nucléaires en arrêts de tranches.
Comment s’articule l’offre de IEVA ? Combien de personnes accompagnez-vous chaque année en moyenne ?
Michel BRUYERE : Depuis sa création, IEVA a accompagné quelques 4700 cadres, soit environ 200 personnes par an qui sont réparties en groupes de 10 adhérents, un groupe démarrant tous les 15 jours. Depuis mars 2020, nous avons toutefois adapté notre fonctionnement aux consignes sanitaires, avec des groupes de 8 personnes, soit tout en distanciel, soit en mode hybride (distanciel et présentiel), ce qui nous permet d’accompagner environ 160 adhérents par an en ce moment.
Notre offre d’accompagnement est construite en différents temps. Nous proposons d’abord une formation à temps plein de 3 semaines autour des techniques de recherche d’emploi au sens large, qui permet d’acquérir une méthode structurée. Elle est composée de 4 modules : le module Projet (définir et valider son projet professionnel), le module Enquêter (développer son réseau), le module Conclure (être efficace devant le recruteur, à l’écrit et à l’oral) et le module Réseaux sociaux (optimiser sa présence et son usage des réseaux sociaux, notamment LinkedIn). Les adhérents présentent leur projet en Commission, devant 3 animateurs, puis ils sont accompagnés dans la mise en œuvre de la « méthode IEVA » tout au long de leur parcours de recherche d’emploi. Ils se retrouvent ainsi chaque semaine, en groupe, pour faire état de leurs avancées ou de leurs difficultés et, avec les autres participants et l’animateur, ils trouvent les solutions les plus adaptées à leur situation.
Nous sommes convaincus que la dynamique de groupe est la plus efficace dans ce contexte de recherche. Elle permet les partages d’expériences, la mutualisation des réseaux et elle fait émerger des synergies très intéressantes, une sorte de réseau d’entraide. C’est aussi un levier dynamisant du point de vue personnel, pour des personnes qui sont parfois isolées dans leur recherche, et cela rythme les actions de chacun.
Cet accompagnement peut durer jusqu’à un an, en fonction des situations.
Quel regard portez-vous sur les 25 années passées ? Et sur l’année écoulée ?
Michel BRUYERE : Je porte un regard plutôt ému sur le fait de pouvoir continuer une activité créée il y a 25 ans par Jean-Pierre CAMEL. Emu, mais pas étonné ! IEVA a su évoluer avec les modes de recrutement. Nous avons mené des études pour rester au plus près de l’actualité et pour faire évoluer les modules. Je crois surtout que nos valeurs, celles qui ont permis la création de l’association, sont toujours très présentes, et que nous avons des bénévoles et des parrains qui continuent à les porter d’année en année.
L’année 2020 a été exceptionnelle à tous points de vue. Le contexte économique nébuleux, le marché de l’emploi illisible… Ça a été un véritable challenge pour nous de faire face à ces nouvelles problématiques et de trouver des solutions.
Il y a eu des chocs aussi… Mais nous nous sommes très vite adaptés.
En résumé : une année de défis, mais nous ne sommes pas mécontents des résultats.
Comment percevez-vous le marché de l’emploi aujourd’hui ?
Michel BRUYERE : Le marché de l’emploi est impacté de façon visible pour nous. On fait face à des suppressions ou des gels de postes liés au contexte, il y a nettement moins de créations d’emploi et une frilosité à tous les niveaux. Les salariés eux-mêmes sont beaucoup moins mobiles, et la concurrence des salariés en poste est moindre.
Le contexte actuel a-t-il modifié vos méthodes et les stratégies de recherche et de veille des cadres que vous accompagnez ?
Michel BRUYERE : Bien sûr, il a fallu adapter notre méthode, avec la mise en place du « distanciel » qui n’a pas été très évidente… Les nouvelles technologies ne sont pas dans les gênes de tous les animateurs et c’est une vraie « révolution digitale » pour nous !
Le contexte nous impose de réagir, de s’adapter, et surtout de ne rien lâcher. Notre rôle de relai et de support s’est accentué, on se bat pour maintenir le moral de nos adhérents !
Nous devons rester à la pointe de l’information dans de nombreux champs professionnels pour préparer aux mieux les adhérents.
Quel est le délai moyen de retour à l’emploi pour un cadre aujourd’hui ?
Michel BRUYERE : Sur la courbe continue de nos résultats, 40% des adhérents ont trouvé en moins de 4 mois (la moyenne se situe autour de 2 mois), et 80% ont trouvé en moins de 10 mois (avec une moyenne à 5 mois). Nos résultats sont invariants depuis 20 ans. La population des adhérents à l’entrée, elle, varie en fonction de la situation de l’emploi, ce qui maintient constant le délai de retour à l’emploi.
Que pensez-vous du comportement des recruteurs (cabinets ou entreprises) dans leurs prises de contact et leurs critères de sélection ?
Michel BRUYERE : Cela reste très variable. Certains recruteurs sont plus attentifs à l’humain que d’autres. Mais les choses évoluent. Nous faisons régulièrement des enquêtes auprès des entreprises concernant les méthodes et les outils qu’elles utilisent pour leurs recrutements et une nouvelle tendance se dessine depuis peu (qui me surprend agréablement !) : les recruteurs semblent donner de plus en plus d’importance à l’entretien, et donc à la rencontre. Cela tend à montrer que la personnalité et les valeurs sont peu à peu replacées au cœur du processus de recrutement. C’est clairement une bonne évolution !
Comment travaillez-vous avec les cabinets de recrutement ?
Michel BRUYERE : Nous avons des relations intéressantes avec certains cabinets de recrutement, qui s’intéressent à nous comme à une sorte de vivier. Généralement, ils nous envoient des offres de postes à pourvoir que nous transmettons à nos adhérents. Humanae a une place un peu particulière, plutôt comme un partenaire… Julien ROBILLARD anime régulièrement un forum d’information auprès de nos adhérents afin d’expliquer la vision et le fonctionnement d’un cabinet, et de répondre aux questions des participants (30 à 40, en général).
Quel est le meilleur conseil que vous pourriez donner à tous les candidats potentiels qui lisent cette interview ?
Michel BRUYERE : C’est plus un état d’esprit qu’un conseil : « Oser ! ». Être proactif dans sa recherche d’emploi, aller de l’avant et rencontrer du monde pour multiplier les connexions et élargir son réseau. Pour ceux qui traversent une phase de doute ou qui sont en perte de confiance, il ne faut pas hésiter à se faire accompagner. Il faut surtout éviter de rester seul. Il existe beaucoup de groupes et d’associations au niveau local.
Quel serait le message que vous souhaiteriez transmettre à tous les recruteurs qui nous lisent ?
Michel BRUYERE : Soyez justes, professionnels… et humains ! Le marché et le contexte sont déjà assez complexes pour ne pas brouiller davantage les pistes…
D’après vous, quelles seront les principales conséquences de cette pandémie sur le marché de l’emploi / sur votre activité / sur les Hommes ?
Michel BRUYERE : Certains outils pratiques vont se généraliser et se pérenniser dans les secteurs où cela est possible. Le télétravail va prendre une place importante et devenir plus facile à mettre en œuvre. A plus large échelle, j’aimerais que ce choc fasse prendre conscience de certains aspects humains et sociaux, modifie certains comportements pour le bien de la planète… Le monde d’Après !
En conclusion ?
Michel BRUYERE : La pandémie bouscule profondément l’emploi des cadres et la recherche d’emploi en général. IEVA s’est adaptée en proposant un accompagnement de qualité à 100% en distanciel, ce qui n’était pas évident. Il restera des modes de travail et des outils nouveaux, dans l’entreprise comme chez les recruteurs. S’il pouvait rester un peu plus de partage, d’entraide et de souci de l’autre, alors la pandémie n’aura pas eu qu’un impact négatif !