ITW HAE / Pascale HERBEPIN : ENVIE est porté par la puissance du collectif

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Pascale HERBEPIN - ENVIE

Interview du 20 juillet réalisée par Julie CADOT

Pascale HERBEPIN, vous êtes la Directrice du Pôle Richesses Humaines chez ENVIE RHONE ALPES, acteur majeur de l’économie circulaire et en particulier de la collecte, du traitement et du réemploi des déchets d’équipements électriques et électroniques.

Avec 5 sociétés situées entre Rhône et Loire,  210 salariés dont 60% en contrat d’insertion professionnelle, un CA de 12,5 M€, votre entreprise a la particularité de répondre à une triple vocation depuis maintenant 26 ans : sociale, environnementale, économique et solidaire.

 

Comment avez-vous géré l’arrêt puis la reprise progressive de vos activités chez ENVIE RHONE ALPES ?

Pascale HERBEPIN : Tout a été stoppé brutalement le 16 mars. La décision prise par le comité de direction a été validée lors d’une réunion du CSE (Comité social et économique), un CSE commun à l’ensemble de nos structures juridiques depuis janvier 2020 fortement impliqué dans la gestion de la crise. Il faut préciser que ce CSE est né du projet d’UES (Unité Economique et Sociale) qui rassemble nos 5 entités juridiques depuis fin 2019. L’arrêt de nos activités a donc été décidé collectivement lors d’une réunion du CSE et une cellule de crise a par ailleurs été créée, composée de volontaires : responsables de pôles, représentants du personnel, coordinatrice QHSE et en concertation avec les médecins du travail. Une culture du dialogue social de qualité reposant sur la mise en place de référents locaux désignés combinée aux instances réglementaires du dialogue social permet ainsi de réagir très vite et de manière collective à travers la création de commissions décisionnaires représentatives de tous.
Pendant la période d’activité partielle, nous avons profité du dispositif de FNE dérogatoire qui a permis aux salariés de bénéficier de nombreuses formations à distance : apprentissage du code, cours de français, formation collective sur le co-développement… C’est vraiment le contexte qui a précipité certaines formations que nous n’aurions pas forcément enclenchées si tôt en temps normal.
Dès le 20 avril, nous avons repris progressivement nos activités via un plan de reprise validé avec les instances et sur la base du volontariat. Nous avons commencé sur une entité pilote, 1 chef d’équipe et 5 salariés, puis les salariés sont revenus progressivement et spontanément au travail semaines après semaines. Nous avons souhaité d’abord sécuriser et rassurer avant de contraindre. Nous restons toujours à un niveau de télétravail important, environ 50% de notre temps. Néanmoins nous ne partions pas de zéro car le télétravail était déjà pratiqué chez nous à hauteur de 20%. Pour ma part je l’ai découvert pendant le confinement et me l’autorise aujourd’hui. Le télétravail, ça s’apprend. Il faut juste bien l’utiliser.

Comment se porte votre secteur d’activité aujourd’hui ?

Pascale HERBEPIN : Je dirais qu’il se porte comme avant finalement. Le pic d’activité estival annuel, propre à la collecte de déchets, est bien présent et le retard accumulé en matière de collecte pendant la période de confinement a bien relancé nos activités. Nous restons prudents mais les graines de développement que nous avions pu semer semblent porter leurs fruits malgré le ralentissement des 4 derniers mois. La nouvelle loi sur l’économie circulaire, les dernières élections municipales à Lyon sont des signaux positifs à moyen /long terme. Nous avons également aujourd’hui un vivier de candidats à l’insertion qui s’étoffe de plus en plus, avec des niveaux de qualification parfois plus élevés qu’habituellement. Néanmoins, nous observons un taux moindre de sortie positive de nos collaborateurs en contrat d’insertion. Les enjeux économiques et sociaux à venir nous ont confortés dans la mise en place d’une démarche d’excellence opérationnelle qui débutera dès septembre au sein d’ENVIE RHONE ALPES.

Quels ont été et quels sont les impacts de cette crise sur les équipes ? Quelles mesures avez-vous adoptées ? Est-ce que vous en retirez du positif ?

Pascale HERBEPIN : Au niveau des équipes et en particulier du service RH par exemple, la période de confinement a permis de belles avancées. Elle a créé du lien entre les différents territoires car nous devions travailler ensemble très régulièrement, avoir les mêmes process et notamment dans la gestion de l’activité partielle qui était loin d’être simple.

On a appris à se découvrir, se connaître, se voir flancher à certains moment et aujourd’hui nos rapports ont changé. D’un autre côté, nous observons aujourd’hui aussi beaucoup de tensions au sein des équipes depuis la reprise. Nous avons sollicité nos 3 médecins du travail, très impliqués, un psychologue du travail détaché sur le Rhône et un cabinet sur la Loire, dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux.

A tous les niveaux d’ENVIE RHONE ALPES, l’idée est de faire s’exprimer des groupes de pairs lors de séances collectives d’1h30 sur les difficultés et les bénéfices de la période vécue au niveau professionnel. Un groupe de travail de 5 personnes issues du CSE sera chargé de tirer les enseignements et de déterminer les actions à mener sur la base de ces séances d’expression.

Quels sont pour vous les enjeux majeurs dans le monde du travail actuellement ?

Pascale HERBEPIN : Je vois beaucoup de personnes qui ont modifié leur vision du travail, quelle que soit la génération à laquelle elles appartiennent. Elles n’ont plus envie de tout sacrifier au travail et il va falloir le prendre en compte. La valeur sûre, pour moi, c’est le collectif dans le travail. Ça nous est tous arrivé de flancher et à ce moment-là, c’est le collectif qui porte. Porter ensemble un projet, supporter ensemble des réponses qui parfois ne nous conviennent pas, ça change tout. La puissance de la co-construction, c’est extraordinaire. Quand vous associez, sans filtres et en toute transparence, des salariés à des prises de décisions, ça marche !

Avez-vous pris d’autres initiatives inédites dans le contexte actuel ?

Pascale HERBEPIN : Oui, nous avons créé, toujours avec la force du collectif qui nous caractérise aujourd’hui, une Commission de solidarité avec plusieurs initiatives au service des salariés en difficulté. Nous avons ainsi mis en place un dispositif de dons de congés payés entre salariés de la même structure. Les salariés ont également la possibilité de faire un don de congés abondé par la Commission de solidarité et permettant d’attribuer une aide particulière à certains collaborateurs en difficulté (retard de loyer par exemple) après soumission d’un dossier. Nous avons mis en place une mini banque alimentaire au sein de l’entreprise où chacun dépose ce qu’il souhaite et à disposition de salariés dans le besoin. Nous avons équipé informatiquement certaines familles pendant le confinement afin qu’elles puissent poursuivre la scolarité de leurs enfants.

Enfin nous avons créé des ateliers solidaires thématiques une fois par mois hors temps de travail, animés par les chargés d’insertion professionnelle et permettant une aide personnalisée pour nos collaborateurs en situation d’insertion prioritairement.

Avez-vous pu échanger avec vos pairs de la fonction RH durant cette période ?

Pascale HERBEPIN : La situation a en effet renforcé fortement la collaboration RH au sein du réseau national ENVIE. Un groupe RH a été créé et ça a super bien fonctionné. C’était un formidable soutien pendant cette période, et très utile. Il y a eu beaucoup d’entraide et de prises de positions communes. Nous travaillons d’ailleurs aujourd’hui sur un SIRH au niveau national et ENVIE Rhône Alpes s’est positionné comme pilote sur le projet. Par ailleurs, je fais partie de l’ANDRH et j’ai donc aussi pu travailler en transverse à cette occasion, mais j’avoue que l’entraide au sein du réseau ENVIE a été particulièrement marquante pour moi.

 

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