Interview du 18 mars 2021 réalisée par Mathieu LIGER
Pauline VIENNE, vous êtes depuis quelques mois la Directrice des Ressources Humaines de PHILIBERT, groupe familial spécialisé depuis plus de 90 ans dans le transport de personnes par autocars (134M€, 670 personnes) bien connu des rhônalpins.
Le secteur du transport a été fortement impacté par la crise sanitaire, comment se portent les équipes de PHILIBERT aujourd’hui ?
Pauline VIENNE : Je ne vous cache pas qu’elles sont bousculées. PHILIBERT est une maison au sein de laquelle les choses vont habituellement bien, une structure qui offre depuis toujours un environnement stable et sécurisant. Je crois que les collaborateurs pensaient échapper aux difficultés, être à l’abri de la crise, comme protégés… De fait, depuis le début d’année dernière, ils sont sidérés car ils n’ont pas été épargnés.
Ça a été une période complexe sous plusieurs aspects, avec un changement de gouvernance, 2 mois avant le confinement de mars 2020. Avec l’arrivée du nouveau DG (Charles-Henri ROSSIGNOL, NDLR), PHILIBERT a clairement amorcé un virage. Les salariés en ont pris la mesure au fil des mois. Et le contexte sanitaire est venu s’ajouter à cela, apportant son lot de difficultés économiques.
En tant que DRH nouvellement arrivée au sein des équipes, quel a été le premier challenge que vous avez dû relever ?
Pauline VIENNE : Il a fallu que je négocie très vite un Accord avec les salariés pour qu’ils consentent un effort conjoncturel sur leur rémunération. En clair, nous avons baissé les salaires par la renonciation à des congés acquis, mais c’était un non-choix car nous voulions à tout prix limiter les impacts sur l’emploi.
C’est un challenge plutôt inédit dans la vie d’un DRH, car on part généralement du postulat que la masse salariale est incompressible. Il y a eu des échanges extrêmement houleux, ça a été très difficile pour tout le monde, mais nous sommes parvenus à un accord unanime et majoritaire mi-janvier. Dans ces moments-là, je crois qu’on cherche la compréhension, pas l’adhésion. Personne ne peut adhérer à ça ! Mais quand le contexte l’impose et que la survie de l’entreprise est en jeu…
Est-ce que vous en retirez du positif ?
Pauline VIENNE : Quand on regarde en arrière, le résultat visible est positif, avec une économie de 500K€ qui a permis de circoncire l’impact sur l’emploi à l’activité Tourisme (ce qui est déjà trop, évidemment).
De mon point de vue de DRH, c’est surtout la construction d’un dialogue social et d’une relation de confiance qui sont très positives. C’était Important pour moi de parvenir à construire des relations transparentes dès mon arrivée. Cela a également participé à crédibiliser la nouvelle gouvernance pour relancer l’activité avec une nouvelle vision.
Finalement, le vrai truc positif aujourd’hui, c’est qu’on est sorti de la zone de turbulences et que l’horizon est plus dégagé !
Avez-vous pris d’autres initiatives inédites dans le contexte actuel ?
Pauline VIENNE : On s’est penché sur l’expérience collaborateur, son intégration et son suivi. On porte un projet d’application dédiée, pour mieux cerner les besoins, les attentes et maîtriser notre turnover. A terme, cela nous permettra de mettre en place des actions ciblées et appropriées.
Avez-vous pu échanger avec vos pairs de la fonction RH durant cette période ?
Pauline VIENNE : Oui, car je suis membre de l’ANDRH, 1er réseau national de la fonction RH. Le Groupe PHILIBERT m’a d’ailleurs permis de renouveler cette adhésion. Je participe également chaque année à TOP DRH, la rencontre annuelle des Directeurs et Responsables de la fonction RH et des Prestataires RH. Nous avons créé un Groupe de discussion pour échanger en continu sur les décrets, les annonces, et partager nos expériences.
Comment abordez-vous la collaboration avec les cabinets de conseil RH en ce moment ?
Pauline VIENNE : Le besoin de partenaires est présent, que ce soit en Conseil RH, Recrutement, ou même sur un plan légal et juridique, avec des Avocats. Selon moi c’est important, ne serait-ce que pour rester connecté à l’actualité du marché, relever la tête du guidon et interroger les tendances. Nos actions en interne doivent pouvoir s’inscrire dans une dynamique plus globale, être en cohérence avec notre marché, tout en trouvant les leviers pour se démarquer. La vision d’un cabinet est très utile pour ça. C’est aussi un point d’appui pour se réassurer et poursuivre la gestion de nos projets en interne, comme certains dossiers en Social.
Quels sont pour vous les enjeux majeurs du monde du travail actuellement ?
Pauline VIENNE : On assiste à une transformation profonde de la façon de travailler. Les gens ont eu peur et les priorités ont changé. Le travail est réalisé différemment et le rapport au travail et à l’entreprise est différent. Les collaborateurs sont responsabilisés et nous, les RH, restons attentifs à ménager l’équilibre vie personnelle / vie professionnelle.
La mise en place de nouveaux outils et de nouvelles pratiques permettra de travailler autrement, notamment autour de la notion d’engagement. Nous avons d’ailleurs le projet de mettre en place un baromètre social sur 2021.
Vous avez été en recherche d’emploi durant les mois les plus difficiles de 2020, quel a été votre ressenti durant cette période ? Votre perception du marché ? Les attentes du marché vis-à-vis des RH ?
Pauline VIENNE : Le marché est fébrile. On y perçoit une forme d’insécurité et de précipitation. Le sentiment que tout peut s’arrêter à tout moment a bousculé les process et certains recrutements sont allés trop vite. La qualité des process est dégradée à cause des restructurations et des urgences… Ce n’était clairement pas une bonne période pour être en recherche d’emploi ! Les enjeux des postes RH étaient très importants, avec des demandes très techniques et de gros dossiers à prendre en main très vite.
On n’a aujourd’hui aucune visibilité sur le marché RH pour 2021. Je pressens un regain, parce que je suis sollicitée, mais on ne sait pas dans quel état vont se trouver les entreprises à terme…
La fonction RH ressort-elle grandie de cette année ? Mieux reconnue ?
Pauline VIENNE : Les entreprises se sont rendu comptes qu’elles avaient besoin de la Fonction RH pour orchestrer techniquement les actions, tant d’un point de vue humain, qu’économique ou juridique. Mais le contexte reste très brutal, on est dans de la gestion de crise permanente et confrontés à des situations très difficiles. Emotionnellement, c’est extrêmement tendu, on marche sur un fil, avec des revirements permanents. A cela s’ajoute un rythme effréné, pas de vacances et de très longues journées… Mais on a fait le job, on a fait le trait d’union. Donc OUI, je dirais que la fonction RH en ressort grandie, rincée, mais grandie !
Quels défis s’annoncent chez PHILIBERT pour 2021 ?
Pauline VIENNE : Comme je le disais, nous entamons un travail autour de la notion d’engagement au sein des équipes. Il nous faut retrouver la confiance pour repartir sur une dynamique positive. Sortir du passé et porter un projet fédérateur !