Recrutement : une lecture entre les lignes (téléphoniques)

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A l’instar des grandes plateformes qui publient leurs études sur les impacts de la crise sanitaire sur les cadres et les recruteurs, les collaborateurs Humanae, au contact permanent avec leur réseau depuis maintenant 6 semaines, ont souhaité partager avec vous leur lecture des tendances actuelles (attention, article avec de vrais morceaux de nous dedans !).

L’activité d’Humanae lors de ces dernières semaines laisse entrevoir un moral et une activité en dents de scie, tant du côté des candidats que du côté des clients. Chez les premiers, l’impact sur la recherche d’emploi varie naturellement selon la situation de chacun, et, d’après le petit recul dont nous disposons aujourd’hui, en fonction des semaines.
Bien qu’elle poursuive son activité de recrutement pur, l’équipe Humanae a adapté ses pratiques pour répondre au mieux aux attentes de son réseau et prêter une oreille attentive aux retours de chacun. « Les échanges avec nos clients et nos candidats sont plus qualitatifs et plus longs, ils sont demandeurs de notre retour parce qu’on a des feedbacks de tous les secteurs et une vision finalement assez large du marché. C’est une démarche très positive et on s’adapte, car on sait que ce qu’on a à offrir de mieux en ce moment, c’est du temps ! », plaisante Mathieu*.

Si les taux de retours aux annonces ont été assez faibles depuis le début du confinement, les candidats contactés par approche directe se sont montrés, durant les 3 premières semaines, assez réactifs et ouverts aux propositions. La parole a semblé libérée chez les salariés, confinés loin des oreilles indiscrètes de leurs collègues et de la surveillance de leurs chefs.

Pour les cadres en quête d’opportunités, l’urgence de trouver un emploi semble remise en question, notamment chez ceux qui sont en poste ou qui peuvent se permettre de patienter. Julie* voit ainsi émerger des questionnements plus profonds : « peut-être que la période actuelle, riche en enseignements et nouvelles perspectives économiques, amène à une certaine réflexion et freine quelque peu les démarches des cadres dans leurs recherches. Je pense notamment au ciblage des entreprises : que choisir demain ? Un groupe international ou une PME franco-française ? Me mettre à mon compte, est-ce le bon moment ? Je travaille dans le tourisme ou sur un métier qui sera en forte tension demain, ne dois-je pas penser à changer de secteur ou à me reconvertir ? ». La conjoncture ne manquera pas de redistribuer les cartes et certains cadres préfèrent attendre avant de dévoiler leur jeu.

Ceux qui ont mis un pied dans le processus de recrutement au moment du confinement laissent d’ailleurs filtrer une certaine frilosité. Là où l’on avait l’habitude de s’entendre dire que les process n’avançaient pas assez vite, on voit des candidats freiner des quatre fers lorsqu’on leur annonce que le client veut les rencontrer (virtuellement). « J’ai vu plusieurs candidats laisser sciemment planer le flou quant à l’organisation des prochaines étapes pour jouer la montre », ajoute Julie. « Dans ces cas-là, on se demande s’ils s’engagent pleinement dans le process ou s’ils se testent et testent le marché en attendant que la situation économique et sanitaire s’améliore. Ça modifie beaucoup la teneur des entretiens, il faut que nous soyons d’autant plus vigilants sur la question de la motivation profonde du candidat, et c’est plus chronophage pour nous. » Philosophe, Aude* voit dans ce comportement l’occasion d’identifier des personnes qui ne sont pas en recherche active à l’heure actuelle mais qui  représenteront un vivier intéressant au moment de la reprise du marché. Une forme d’opportunisme qu’on adopte des deux côtés du téléphone : « dans les secteurs d’activité qui subissent d’ores et déjà un ralentissement, les personnes approchées sont soucieuses d’entretenir le contact avec nous au cas où leurs perspectives seraient contrariées », précise-t-elle.

« Pour ceux qui sont arrivés en fin de process ou qui ont pris leurs fonctions au moment du confinement, le contexte était très particulier, et on a été confrontés à des comportements nouveaux », explique Mathieu. « On a finalisé certains recrutements au début du confinement, mais seul un candidat a accepté de signer son contrat, les deux autres ont demandé d’attendre la reprise pour signer. Certaines tensions sont catalysées par ce climat d’incertitude et cela biaise les modes de communication. On voit ainsi émerger des comportements assez inédits. On a par exemple assisté au désistement d’un candidat qui avait pourtant rencontré plusieurs fois son futur employeur et négocié son arrivée avant le confinement, mais qui a tout annulé 15 jours après. Il nous a avoué plus tard certaines peurs, la pression de son entourage et la crainte de rejoindre une PME dans un contexte économique très incertain. » Les échanges par téléphone ou par email n’arrangent rien, c’est certain. « Il suffit d’un mot mal choisi pour que le moindre échange prenne des proportions incroyables », renchérit Mathieu.
Difficile, par ailleurs, de prendre ses fonctions en télétravail, sans avoir eu l’occasion de rencontrer ses collègues, ses managers et les interlocuteurs clés de l’entreprise. « J’accompagne aujourd’hui deux candidats, pour deux postes différents, et les comportements sont très différents. Pour l’un, c’est 100% adaptation, pour l’autre, c’est très compliqué, » ajoute Mathieu. Impossible, en effet, de prévoir ce genre de situation et de tester les candidats sur leurs réactions en pareil contexte. Faudra-t-il que l’on révise nos tests de personnalité pour ajouter un questionnaire « dans un contexte de fin du monde, vous êtes plutôt… » ?

L’annonce du déconfinement n’a pas eu d’impact positif notoire sur les comportements de nos candidats. On a même pu noter que certains fermaient plutôt la porte et ne répondaient plus aux sollicitations. A mettre sur le compte d’un moral en berne ? Du temps qui se fait long ? D’une annonce de déconfinement dont on ignore les tenants et les aboutissants réels ? « La prochaine échéance pour la plupart des candidats qui répondent positivement à mes sollicitations ou qui passent par annonces, c’est septembre », explique Nicolas*, « même pour ceux qui n’ont pas de préavis à respecter ».

Côté clients, les réactions ont été variées et les positions ont évolué très vite. Certains retours clients ont été catastrophistes dès le 16 mars quand d’autres ont mis du temps à mesurer l’ampleur de la crise. « Les plus inquiets sont souvent ceux qui ont repris le dessus le plus rapidement. Du côté des recrutements en cours, comme chez les candidats, plus ça avance et plus on décide de prendre son temps », explique Julien*. « Mais je perçois quand même beaucoup de positivisme des deux côtés, une volonté commune de garder le moral et d’avancer, même si les indicateurs sont au rouge. Certains ont découvert le télétravail, les process se sont digitalisés, il a fallu s’adapter, s’assouplir… Qu’en restera-t-il après, je ne sais pas, mais je pense que certaines entreprises ont découvert qu’elles pouvaient être agiles, réactives, et qu’elles pouvaient faire confiance à leurs équipes. »
Aude ajoute « j’ai reçu beaucoup d’encouragements de la part des candidats pour maintenir une activité, et une attention nouvelle pour nous en tant que personnes. Il ressort de tout ça une communication plus transparente sur les attentes et les réticences de chacun, et un temps d’échange valorisé par le besoin de communiquer mieux et plus sincèrement ».

Au-delà de son impact sur l’activité du recrutement et sur le marché de l’emploi au sens large, la crise sanitaire et ses conséquences sur nos méthodes de travail semble avoir insidieusement modifié nos comportements et nos modes de communication. Au regard du besoin d’écoute et de transparence ressenti chez nos interlocuteurs au cours des dernières semaines, il nous semble que le prochain enjeu majeur de l’entreprise sera dans sa capacité à tirer les leçons, à faire confiance aux salariés et à replacer l’humain au centre de sa réflexion. Les comportements que les organisations auront eus durant cette crise sanitaire envers leurs clients, leurs prestataires et leurs salariés laisseront des traces…

Emeline*

* Pour connaitre les fonctions des collaborateurs HAE cités dans l’article, c’est par ici ! L’équipe HAE

 

Sources :
Les echos executive
Etude hellowork
Etude Cadremploi

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